vendredi 29 juin 2012

L'AME DU CHANT GREGORIEN


Le chant grégorien, un chant nouveau?
François Fierens
(2ème partie)

La Bible nous invite non seulement à chanter, mais à chanter un chant nouveau: «Cantate Dómino cánticum novum, quia mirabilia fecit», «Chantez au Seigneur un chant nouveau, car il a fait des merveilles» (psaume 97).

Elle fait dire aussi à celui qui a mis son espérance dans le Seigneur et en a été exaucé (psaume 39, 4): «Immisit in os meum cánticum novum, hymnum Deo nostro», «Il a mis dans ma bouche un cantique nouveau, un hymne de louange à notre Dieu».

Qu’est-ce donc que ce chant nouveau?

Relisons attentivement ces textes. La Bible ne semble pas désigner ici par «chant nouveau» le chant que l’on introduirait «pour faire nouveau», dans l’idée que tout ce qui exprimerait une rupture serait bon en soi, ou parce que le changement offrirait nécessairement par lui-même la vertu d’un véritable renouvellement. Rien n’indique que la nouveauté soit ici une simple cassure. La Bible semble au contraire se placer dans une autre perspective. Que dit-elle? Que la nouveauté dont nous parlons vient de Dieu, que c’est lui qui en est l’inspirateur, car il a fait des merveilles. Plus encore: que c’est le Seigneur lui-même, comme nous le dit le psaume, qui met dans notre bouche le chant nouveau et l’hymne que nous adressons à Dieu.

Le chant nouveau est, dans ce contexte, une parole qui vient de Dieu et qui à son tour inspire notre chant. Et ce chant nouveau, à qui est-il accordé de le chanter? Le psaume 39, déjà cité, le dit en son verset antérieur : à celui qui s’est tourné vers le Seigneur et qui pouvait dire: «Expectans expectavi Dóminum», «Dans l’attente j’ai attendu le Seigneur ». Cette attente n’est pas qu’un appel: elle est aussi silence, attention et écoute. Le chant nouveau apparaît donc comme donné à celui qui est à l’écoute du Seigneur. On notera au passage que l’importance de l’écoute est vraie pour toute musique véritable, et les musiciens le savent bien: impossible de faire de la musique sans une écoute intérieure profonde.

Saint Augustin, dans ses commentaires sur les psaumes, complète cette idée en disant que le désir de la chair chante un vieux chant, tandis que l’amour de Dieu chante un chant nouveau («Vetus cantat cupíditas carnis, novum cantat cáritas Dei») ([1]). Et il ajoute: «Sachez pourquoi il s’agit d’un chant nouveau; le Seigneur a dit: Je vous donne un commandement nouveau, de vous aimer les uns les autres. C’est pourquoi toute la terre chante un chant nouveau.» ([2])

***


[1]  Enarrationes in psalmos, 95
[2] Audi quia cánticum novum est : Dóminus dicit : Mandatum novum do vobis, ut vos invicem diligatis. Omnis ergo terra cantat cánticum novum.”

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