Le
chant grégorien, un chant nouveau?
François Fierens
(2ème partie)
La Bible nous
invite non seulement à chanter, mais à chanter un chant nouveau: «Cantate Dómino
cánticum novum, quia mirabilia fecit», «Chantez au Seigneur un chant
nouveau, car il a fait des merveilles» (psaume 97).
Elle fait dire
aussi à celui qui a mis son espérance dans le Seigneur et en a été exaucé
(psaume 39, 4): «Immisit in os meum
cánticum novum, hymnum Deo nostro», «Il a mis dans ma bouche un cantique
nouveau, un hymne de louange à notre Dieu».
Qu’est-ce donc que
ce chant nouveau?
Relisons
attentivement ces textes. La Bible ne semble pas désigner ici par «chant
nouveau» le chant que l’on introduirait «pour faire nouveau», dans l’idée que
tout ce qui exprimerait une rupture serait bon en soi, ou parce que le
changement offrirait nécessairement par lui-même la vertu d’un véritable
renouvellement. Rien n’indique que la nouveauté soit ici une simple cassure. La
Bible semble au contraire se placer dans une autre perspective. Que dit-elle?
Que la nouveauté dont nous parlons vient de Dieu, que c’est lui qui en est
l’inspirateur, car il a fait des
merveilles. Plus encore: que c’est le Seigneur lui-même, comme nous le dit
le psaume, qui met dans notre bouche le chant nouveau et l’hymne que nous
adressons à Dieu.
Le chant
nouveau est, dans ce contexte, une parole qui vient de Dieu et qui à son tour
inspire notre chant. Et ce chant nouveau, à qui est-il accordé de le chanter?
Le psaume 39, déjà cité, le dit en son verset antérieur : à celui qui s’est
tourné vers le Seigneur et qui pouvait dire: «Expectans expectavi Dóminum», «Dans l’attente j’ai attendu le
Seigneur ». Cette attente n’est pas qu’un appel: elle est aussi silence,
attention et écoute. Le chant nouveau apparaît donc comme donné à celui qui est
à l’écoute du Seigneur. On notera au passage que l’importance de l’écoute est
vraie pour toute musique véritable, et les musiciens le savent bien: impossible
de faire de la musique sans une écoute intérieure profonde.
Saint Augustin,
dans ses commentaires sur les psaumes, complète cette idée en disant que le
désir de la chair chante un vieux chant, tandis que l’amour de Dieu chante un
chant nouveau («Vetus cantat cupíditas
carnis, novum cantat cáritas Dei») ([1]). Et il ajoute: «Sachez
pourquoi il s’agit d’un chant nouveau; le Seigneur a dit: Je vous donne un
commandement nouveau, de vous aimer les uns les autres. C’est pourquoi toute la
terre chante un chant nouveau.» ([2])
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