La
« Bataille des Marolles » au cinéma Nova
Nous avons assisté dimanche soir,
au cinéma Nova, à une merveilleuse soirée au cours de laquelle fut projeté un
superbe documentaire d’époque sur la « bataille
des Marolles ». Celle-ci, souvenons-nous-en, obtint en son temps le retrait d’un
gigantesque projet d’extension du Palais de Justice de Bruxelles, en évitant
ainsi la démolition de tout un quartier.
Dimanche, l’atmosphère est
chaleureuse. Une foule nombreuse déborde sur le rue d’Arenberg et attend de
pouvoir entrer au cinéma. Après trois quart d’heure de patience, nous pouvons
prendre place dans la salle comble, vétuste mais fraternelle, du Nova. La
projection peut commencer.
Les images en noir et blanc de
notre cher quartier des Marolles défilent. Elles sont d’une autre époque (des
années soixante), mais elles nous apportent l’arrière-fond vivant, le socle
vital, des rues que tant de fois nous avons parcourues ; elles nous mettent
en contact avec ses habitants, leur vie simple et vraie, leur générosité
naturelle, leur existence profonde et joyeuse. Nous recevons ici en pleine
figure ce que la vie que nous menons aujourd’hui, en électrons libres et en
égoïstes malgré nous, nous a fait perdre : la vie partagée, les échanges
liés chaque instant à la vie quotidienne, le rire défiant les soucis, la
confiance fondamentale en l’existence et en ce qu’elle réserve à chacun d’entre
nous. En voyant ces images, la joie nous remplit le cœur.
Lorsqu’arrive l’évocation de
l’annonce de l’expulsion et de l’expropriation des habitants de la Marolle,
nous voyons peu à peu le quartier se ressouder, se fédérer, et dire NON.
Calmement. Fermement. Sans cris ni violence. Mais c’est NON et ce sera NON. Le
secret de cette volonté indéfectible ? Chacun parle à ses voisins.
L’âme de cette opposition tranquille mais farouche ? Le vicaire Van
der Biest, le jeune vicaire qui a si bien compris l’esprit résigné mais plein
de dignité des habitants de la Marolle ! Avec quelle fougue, quelle
ironie, quel sourire, quelle foi il répond tranquillement aux
« promoteurs » et leur oppose l’âme vivante de la ville ! Nous
avons tous été profondément émus de le revoir tel qu’en lui-même dans un de ces
moments au cours d’une vie qui n’ont pas été programmés, mais qui furent
décisifs, qui marquèrent un destin et orientèrent une destinée. L’humour fut
alors l’arme de l’amour, l’esprit frondeur bruxellois put s’exprimer avec cette
connivence et cette tendresse qui n’en sont jamais absentes. Exemplaire !
Quand disparaissent les dernières
images, la salle se retrouve avec elle-même, avec ses soucis d’aujourd’hui. Les
organisateurs appellent sur la scène les acteurs de l’époque, l’abbé Van der
Biest, Me Philippe De Keyser… La discussion s’engage. La bataille des Marolles serait-elle
possible aujourd’hui ? Ce qui a fait son succès, c’est que personne alors
ne s’est trouvé seul devant son problème à lui. Aujourd’hui, l’isolement est
devenu trop souvent la règle. On ne put pas ne pas évoquer ainsi la brutale
expulsion des réfugiés et de leurs enfants de l’église du Gesú : dans quel
monde vivons-nous donc ? un monde où plus personne ne se parle, où
rencontrer un responsable politique est devenu presque impossible... L’abbé n’a
pour nous qu’un conseil : « Parlez
à votre voisin ! ».
Puisse cette demande pressante ne
jamais nous quitter, puisse-t-elle changer notre vie !
En repensant à ce documentaire
magnifique, le sentiment qui nous étreint est celui de la gratitude, d’une
gratitude profonde pour tous les acteurs de ce drame, qui se sont rencontrés,
et qui ont décidé ensemble de bâtir leur futur.
Puissions-nous en tirer la
leçon !
François
Fierens
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