A Dieu la chorale San Francesco

Pendant 61 ans, nous nous sommes rassemblés à toutes sortes d’occasions, et particulièrement à l’occasion des fêtes, et plus particulièrement avec les paroissiens des Minimes. Nous avons chanté ensemble, avec harmonie. Harmonie de cœur d’abord ; ensuite, en conséquence, harmonie musicale. Nous avons eu de grands moments de joie, des moments étonnants : lors de l’exécution d’une messe de Schubert (si je me souviens bien) j’ai vu les gens pleurer d’émotion, pas de tristesse. Et puis, tout doucement nous avons dû constater que le recrutement ne se faisait pas et que nous prenions de l’âge, que nos voix se déformaient et que pour finir, encore que nous soyons toujours à chanter, c’était devenu très difficile.

Alors, maintenant : plus rien ? Nous savons bien que nous allons à la mort : «L’homme est, dit Heidegger, Sein zum Tode ». Mais un croyant, encore qu’il soit parfaitement conscient de son lent effondrement extérieur, sait que la mort est un passage et non pas un terme.

Tout passe : les êtres inanimés, comme les êtres vivants. Tout s’use, nous le savons. Mais, avec Héraclite nous affirmons: «le temps nous donne tout». Et ce même temps est « edax rerum », ronge tout. Alors pourquoi la mort ? Le Seigneur nous a fait nous-mêmes dans le temps, Il s’est fait lui-même dans le temps, un Homme parmi les hommes et a connu des souffrances terribles, ne parlons pas seulement des peines physiques, parlons de l’abandon progressif, du rejet dont il a été l’objet par ses amis, ses coreligionnaires, son pays tout entier. Or, c’est cela précisément qui nous vaut la vie nouvelle parce que par Lui mourant, la vie entre dans le monde d’une Vie Nouvelle : la Résurrection.

Et toute cette peine que nous sentons, ces maladies, ces abandons, sont pour nous l’occasion de choisir la Vie et d’offrir nos vies donc, telles qu’elles sont dans leur quotidienneté, leur banalité y compris les travaux ménagers, ennuyeux et faciles.

L’apôtre formule notre exister précaire, en disant (Rom 12) : « Je vous exhorte, mes frères, par les entrailles de Dieu, d’offrir vos vies quotidiennes, en sacrifice vivant, saint, plaisant à Dieu, parce que acte conscient». Et l’apôtre continue : « Ne prenez pas le masque de ce monde » : regardez la publicité à la télévision et vous saurez que tout cela est du virtuel et non du réel, c’est ça le masque. Mais, transformez vos cœurs, vos têtes, votre conscience par son renouvellement constant afin de discerner la volonté de Dieu, ce qui est bon, ce qui Lui plaît, ce qui nous amène au but ».

Enfin, le décès de la chorale n’en est pas un. «Je ne meurs pas, j’entre dans la Vie » disait Sainte Thérèse de l’Enfant Jésus : la chorale entre dans la vie de Dieu maintenant tout à fait et non plus partiellement.

Le Seigneur est toujours là, avec nous, en week end, pendant les fêtes de Noël etc… Il vous attend sur le seuil de Sa Maison, il embrasse la chorale et l’introduit dans le banquet définitif où Il servira chacun d’entre nous.

Jacques Van der Biest