lundi 26 janvier 2009

EROS et AGAPE

Abordons tout d'abord le mot grec EROS: on peut le traduire comme étant "amour", mais dans la bouche de Platon, il revêt une signification plus précise. Cet "amour" s'inscrit dans le cycle des "mystères" qui forment la mythologie grecque. Et tout spécialement, il s'agit d'une réflexion à propos du mythe d'Orphée qui raconte comment Zeus voulant envoyer son fils au milieu des hommes voit son enfant dévoré par les Titans qu'il foudroye et de leurs cendres forme les hommes. Ce mythe explique comment l'homme a une double nature: celle de son âme avec sa dignité, sa qualité divine, à l'origine en tous cas et, d'autre part, la détresse parce que cette âme est plongée dans le monde dont elle doit se libérer progressivement et monter vers la patrie divine pour rejoindre les dieux par la purification progressive, l'ascèse, la mystique et ainsi rentrer dans la "gloire" - doxa, cfr Antigone, interrogée par son oncle (roi de Thèbes) "pourquoi as-tu enterré ton frère alors que je l'avais défendu"? répond: "mais quelle gloire plus grande puis-je espérer sur cette terre?" Le mobile profond d'Antigone n'est donc pas le souci de son frère, mais d'abord sa gloire. L'âme est attirée par le monde supérieur, le monde des Idées, la participation au divin.

EROS est donc le désir, ce n'est pas un amour spontané, sans motif, mais bien au contraire motivé par la valeur de son objet. Ce désir est la voie qui peut mener l'homme à Dieu, il veut s'élever hors du monde mais ce n'est pas du tout la voie de Dieu qui veut retrouver l'homme: celle-là est exclue: les dieux sont indifférents à l'humanité dans la mesure où ils sont heureux et ils n'éprouvent donc aucun désir donc il n'y a aucun amour possible.

EROS est un amour, mais égocentrique comme nous le montre Antigone. Il la ramène à elle et à son destin.

Or c'est à peu près ce qui nous était proposé dans le temps: les bons Pères nous proposaient d'approcher Dieu progressivement par une ascèse de plus en plus développée et à la limite des Carmélites ou des Trappistes: tout est recommandé par la Communauté: on sonne, je me lève, on resonne, je me lave; on sonne encore, je peux aller déjeuner, on sonne encore, le déjeuner peut commencer; on sonne enfin, le déjeuner est terminé et ça continue toute la journée. Je ne suis plus libre du tout, j'abolis ma liberté afin de trouver la divinité. La plupart des catholiques me paraissent obéir à ce schéma qui n'est pas mauvais en soi mais n'est pas la révélation de Jésus-Christ.

Jésus-Christ n'apporte pas de nouvelles idées sur Dieu mais propose une nouvelle communion avec Lui et la propose à tous: "Aimez vos ennemis" parce que Dieu fait lever son soleil sur les bons et sur les méchants" (Matthieu 5,45)" Je ne suis pas venu appeler les justes mais les pêcheurs (Marc 2,17)". La communion avec Dieu est fondée sur l'AGAPE qui est l'amour de Dieu pour nous, vers nous et rien d'autre.

Cet amour n'est pas motivé, sa raison est tout simplement dans la nature de Dieu, qui est, nous dit Saint Jean," Amour - Agapè". Il est spontané et s'adresse à tous, tout particulièrement à ceux qui sont loin. Cet amour ne peut pas être réduit en préceptes juridiques; les relations de Dieu et de l'homme sont régies par la décision de Dieu qui est entièrement gratuite.

D'autre part, l'amour (Agapè) est indépendant de la valeur de son objet: il n'y a pas de mérite. Agapè fonctionne pour les pécheurs malgré leur péché, l'Agapè est la justification des justes parce que Dieu en a décidé ainsi. "Alors que nous étions encore débiles, le Christ, au temps marqué, est mort pour les impies. A grand peine, mourrait-on pour un juste; pour un homme de bien, peut-être se résignerait-on à mourir. Mais, preuve insigne de l'amour de Dieu à notre égard, c'est alors que nous étions encore pécheurs que le Christ est mort pour nous..... (lire Romains 5, 6 et suivants)". Cet Agapè est créatrice de la valeur: la rémission des péchés est un don. Quels que soient les efforts que nous puissions faire, jamais nous serons débarrassés d'un péché dont la racine se trouve précisément dans la négation de la gratuité de l'amour de Dieu. Ainsi l'Agapè est créatrice de toute valeur et particulièrement de la communion: il n'a y pas de voie qui mène à Dieu, mais une voie qui descend de Dieu vers l'homme et demande à l'homme de croire qu'il est possible de l'aimer, même s'il est mauvais.

Concluons: l'homme est un pur néant admis dans la coexistence divine; il appartient absolument à Dieu. Dieu donne son amour gratuitement tandis que l'homme ne sait rien acquérir par lui-même, mais peut tout recevoir dès qu'il répond à l'amour que Dieu montre pour lui. A ce moment là, il rejoint la catharsis, la pureté et la sincérité de l'amour.

D'autre part, l'amour pour le prochain est l'amour pour Dieu. On ne peut pas séparer les deux commandements, mais il ne faut pas non plus les confondre. Jésus nous dit: "tu aimeras ton prochain comme toi-même", donc l'amour du prochain n'est pas pour Dieu mais pour le prochain: il ne s'agit pas de supporter l'autre par amour de Dieu, il s'agit de supporter l'autre par amour pour l'autre. Attitude dont on ne peut se convaincre mais que l'on peut recevoir.

Conclusions générales sur la conversion de l'apôtre: nul autre que Breughel n'est arrivé à ce point de la réflexion sur la "Conversion de Saint Paul". Son tableau montre l'ascension toute entière d'une armée, par ailleurs découragée par la raideur même des sites et débandée. Ils doivent grimper vers le ciel mais c'est trop dur. L'apôtre tombe à terre et ses yeux se voilent. Il est désormais entièrement dépendant de la bande dont il fait partie. Il va à Damas être guéri de son aveuglement et petit à petit découvrir le monde nouveau que Dieu a voulu lui faire connaître. Il a consacré toute sa vie à l'"agapè" qu'il va nous enseigner à la suite de Jésus-Christ.

Prochaine réunion autour de l'Apôtre Paul: le dimanche 8 février à 10 heures 30 à la Chapelle de Lorette. Le thème en sera l'arrivée de Paul à Rome après qu'il ait envoyé sa lettre aux Romains, sans doute l'écrit le plus important, théologiquement que contient le nouveau Testament.

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